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----- Forwarded message from Bernard Daunas <bdaunas@nerim.fr> ----- From: Bernard Daunas <bdaunas@nerim.fr>Date: Fri, 17 Jan 2003 11:54:09 +0100 Subject: NTIC : Les erreurs de politique industrielle des gouvernements français J'apprends ce jour la mise en cessation de paiements de la société MandrakeSoft, société française éditrice de ce qui est devenu la première distribution Linux mondiale. Il y a peu nous apprenions la prise de contrôle par le gouvernement américain, de la société Gemplus, leader mondial de la carte à puce. Pourquoi rapprocher ces deux événements ? Le monde des technologies de l'information est simple dans ses grandes lignes : Il y a le matériel et les composants informatiques d'un coté, le logiciel de l'autre (système d'exploitation + applications). Malgré les efforts méritoires de feu le plan calcul, il est clair qu'au début des années 90 tant la France que l'Europe avaient perdu la partie au profit des états-unis sur ces deux plans, avec la domination d'Intel sur l'industrie des processeurs, et de Microsoft sur celui des systèmes d'exploitation. Quand on contrôle le marché des processeurs, on défini les standards techniques sur lesquels vont se brancher les composants additionnels qui collectivement font un ordinateur : A travers le marché des processeurs, on contrôle donc très largement l'ensemble de l'industrie des composants. La domination d'Intel semblait bien établie, au mieux des intérêts des Usa. Et puis est survenu ce qui était perçu au début comme un gadget, et qui au fil des années a pris une dimension industrielle majeure : La carte à puce, invention française, est fondamentalement un processeur avec un peu de mémoire, doté d'un mécanisme de communication avec un autre ordinateur. Le tout tient dans le portefeuille. Ce qui n'était au départ qu'une production marginale s'est transformé à la fin des années 90 en un marché directeur : C'est en 2000 ou 2001 que plus de 50% de la puissance de calcul installée dans le monde est devenu le seul fait des cartes à puces. La France, avec ses trois champions industriels qu'étaient Gemplus, Bull CP8, et Schlumberger, était en passe à terme de prendre le contrôle du marché des processeurs et donc de celui des composants. Schlumberger est le premier a être passé dans l'orbite des Usa, le siège social et le management étant désormais principalement américains. Dans un second temps, le gouvernement français à laissé éclater Bull, ce qui n'était pas nécessairement une mauvaise chose, mais a aussi laissé le pôle carte à puce de Bull (Bull CP8) se désintégrer, avant d'en céder les restes à... Schlumberger ! Faisant de ce dernier le leader mondial de la carte à puce... derrière Gemplus. Pour ceux qui doutent encore de l'enjeu central qu'est la carte à puce, je ne citerais que l'exemple de NTT DoCoMo, dont l'i-mode a des années d'avance sur l'UMTS en matière d'internet mobile, de téléphonie sans fil et d'interactivité, en grande partie parce qu'il est le seul a disposer de la puissance de calcul offerte par une carte à puce 32 bits, exclusivité mondiale à l'époque de Bull CP8. Schlumberger et Bull éliminés, restait donc Gemplus : La presse s'est largement faite l'écho ces derniers mois de la manière dont la CIA a manigancé une mise en cause des dirigeants de la société, pour mieux en prendre le contrôle et placer l'un de ses employés à la tête de Gemplus. Et sans surprise, à peine deux mois plus tard, un plan industriel a été annoncé, qui touche principalement les implantations industrielles et les labo français, mais curieusement épargne les salariés américains. Amen. Et fin de la jolie histoire de la petite carte à puce française qui menaçait la domination américaine sur les composants électroniques. Désormais Gemplus et Schlumberger + Bull CP8 détiennent toujours 95% des brevets en matière de carte à puce, mais ce ne sont plus des intérêts français ou européens qui les contrôlent. Belle démonstration de ce que le pays de l'ultralibéralisme triomphant sait fort bien mener une politique industrielle intelligente et à moyen/long terme, quelles que soient leurs professions de foi publiques sur l'indispensable "moins d'état". Reste l'autre pan d'une politique industrielle en matière d'informatique, la marché du logiciel. Allons-nous assister au même gâchis ? En matière de logiciel, qui contrôle le marché des systèmes d'exploitation contrôle le marché des applications, comme l'a avec brio démontré Microsoft, dont les liens avec la NSA semblent avérés, malgré leurs dénégations. Un exemple parmi d'autres (en anglais) sur le site suivant : http://linuxtoday.com/news_story.php3?ltsn=1999-09-06-002-04-NW Là aussi, la domination des Usa semblait bien établie... jusqu'à ce qu'un jeune finlandais, Linus Torvalds, lance seul en 1993 un nouveau système d'exploitation, Linux. Lequel s'est développé a une vitesse foudroyante, par la seule grâce d'un modèle de développement original : Le logiciel libre. Ce sont aujourd'hui plus de 3000 développeurs, très majoritairement européens, qui travaillent sur le seul noyau de Linux, alors que Microsoft ne consacre que 600 ingénieurs à l'ensemble de ses systèmes d'exploitation. La totalité des contributeurs informaticiens à Linux est désormais largement supérieure au nombre total d'employés Microsoft dans le monde, lequel est en tout état de cause principalement composé de... personnes de marketing et de comptables. Aujourd'hui le marché de Linux est contrôlé par trois sociétés : Redhat, société américaine et leader historique, SuSE, soutenu par le gouvernement allemand, et... la société parisienne MandrakeSoft, qui a en 3 ans pris la première place sur le marché Linux, à peu près à égalité avec Redhat. SuSE a connu des difficultés, mais s'en est sorti avec le soutien du gouvernement allemand et d'IBM (?!?). MandrakeSoft connaît des difficultés financières depuis 2 ans, quand un capital risqueur a proposé aux fondateurs d'une société alors bénéficiaire, d'y apporter des fonds propres en échange... du retrait des fondateurs en faveur d'un management dit "international", qui s'est de fait révélé être américain. Étrange recommencement... Lequel management a immédiatement "diversifié" Mandrake hors de Linux, créé une filiale américaine, embauché à tour de bras et... a créé en quelques mois un gouffre financier colossal, qui a entraîné son éviction dès la première assemblée générale. Les fondateurs ont repris la main. Dans l'année passée, ils ont bouché les trous, fermé les foyers de perte, créé de nouvelles sources de revenus. Le dernier trimestre était presque redevenu bénéficiaire, et il l'aurait été s'il ne subsistait encore le poids du passé. La France, l'Europe, vont-ils laisser passer une chance historique de reconquérir le marché du logiciel, après avoir laissé filer avec Gemplus celui des composants ? Il ne manque à Mandrake que presque rien. Quelques millions d'Euros, rien à coté de ce qu'a coûté Bull en son temps, sans parler des dizaines de milliards d'Euro de France Télécom aujourd'hui. MandrakeSoft est une petite société, comme l'était Gemplus il y a peu, mais c'est une société stratégique à double titre : - Pour ne pas laisser à Microsoft le marché du logiciel certes, et c'est très important ; - mais aussi et surtout pour ne pas permettre que les fichiers sensibles de l'état français, de nos partenaires européens, soient gérés par un système d'exploitation étranger dont nous savons pertinemment bien (voir le lien précédemment cité) que les trous de sécurité qui le percent de partout ne sont pas tous le fait du hasard et de l'incompétence, mais qu'ils offrent à ceux qui les contrôlent un droit d'accès et de "rectification" permanent sur tous les fichiers accessibles en ligne. Y compris donc les fichiers de police judiciaire, ou ceux regroupant les appels d'offres publics, et même de nombreux fichiers militaires ! Je soupçonne qu'il n'est pas trop tard pour reprendre le contrôle du marché de la carte à puce, même si ce sera difficile. Mais je suis certain qu'il est très facile et peu coûteux d'aider Mandrake à passer un cap délicat. A défaut, la société sera à la merci du premier "investisseur" américain... Bernard. Bernard Daunas bdaunas@nerim.fr ----- End forwarded message ----- --------------------------------------------------------------------- Aide sur la liste: <URL:mailto:linux-31-help@CULTe.org>Le CULTe sur le web: <URL:http://www.CULTe.org/>