Pollupostage: solutions pour un FAI
par Éric Marsden
Sur cette page, nous présentons le point du vue d'un fournisseur
d'accès à Internet (FAI), et présentons quelques solutions techniques qui
peuvent être mises en oeuvre afin d'éviter que le FAI se rendre
involontairement complice de pollupostage. Le choix d'un FAI n'est pas
simple, puisqu'il doit faire face à une grande hétérogénéité de clients:
certains peuvent être de mauvaise foi et volontairement tenter d'abuser le
service qui leur est fourni; d'autres peuvent avoir leurs machines
détournés par des pirates, et n'ont pas le niveau en informatique pour
savoir se protéger contre ces attaques. Le FAI doit également respecter la
vie privée de ses clients, ce qui pose des limites sur les mécanismes de
surveillance qu'il peut mettre en place pour détecter des flagrants délits
de pollupostage. Enfin, le FAI évolue dans un contexte concurrentiel, et
doit tenir compte de critères commerciaux pour éviter de perdre des
clients s'il mettait en place des solutions techniques trop compliquées
pour les clients, ou trop couteuses pour le FAI, ou qui posent des
contraintes insupportables aux clients.
Le strict minimum
Nous faisons comme hypothèse que les fournisseurs d'accès à Internet
(FAI) sont prêts à lutter contre le pollupostage, et à mettre en oeuvre les
moyens nécessaires pour y parvenir. Les premières obligations les plus
triviales en ce sens sont:
- les serveurs SMTP du FAI ne doivent pas être relais SMTP ouverts.
C'est le cas de tous les FAI de nos jours, sauf aberrations particulières
comme Wanadoo.
- le FAI doit prendre en compte les messages envoyés à son adresse de
notification d'abus (abuse@fai.net). Il doit examiner les
informations techniques fournis dans ces messages, et prendre des mesures
en cas d'utilisation abusive de son réseau par un client (avertissement,
puis clôture de contrat).
Lutter contre le relayage multihop
Il est plus difficile pour un FAI de se protéger contrôler le relayage
SMTP multihop, puisqu'il faut distinguer entre le fait d'accepter de
relayer les messages de ses clients (ce qui est un service normal fourni
par le FAI), et le fait de relayer des pourriels transitant par la machine
d'un client à l'insu de son plein gré (ce qui est anormal, et qui aura pour
résultat que les serveurs SMTP du FAI se retrouvent recensés dans les
listes de boycott).
Nous voyons quatre mécanismes possibles pour lutter contre le relayage
multihop, chacun avec des avantages et des inconvénients. Nous préconisons
la cinquième solution, qui nous semble présenter la meilleure protection
contre le relayage multihop, tout en étant facile à mettre en oeuvre, et
imposant peu de contraintes sur les clients du FAI.
- Surveiller l'adresse abuse@fai.net, ainsi que l'activité des
serveurs SMTP du FAI, afin de détecter en temps réel des cas d'abus, et
intervenir rapidement pour les arrêter. Une charge anormale sur le serveur
SMTP d'un FAI peut impliquer qu'un polluposteur est en train d'abuser la
machine mal configurée d'un client pour émettre un grand nombre de
pourriels. Le FAI peut alors intervenir sur le serveur SMTP pour savoir
quelle machine est à l'origine de la charge anormalement élevée, puis
examiner la nature des messages envoyés depuis cette machine pour savoir
s'il s'agit effectivement de pollupostage.
Cette méthode est, à l'heure actuelle, celle qui est choisie par la
majorité des FAI Français, peut-être puisqu'elle n'impose aucune contrainte
visible par le client. Cependant, elle présente deux inconvénients majeurs.
D'une part, elle n'est pas suffisamment pro-active,
puisqu'il existera toujours des intervalles de temps pendant lesquels le
réseau du FAI peut être abusé (ce qui fera qu'ils seront régulièrement
blacklistés). D'autre part, elle nécessite que les administrateurs réseau
du FAI examinent le contenu des courriels de leurs clients (pour déterminer
s'il s'agit ou non de pourriels); ceci constitue une invasion de la
vie privée des clients.
- Obliger tous les utilisateurs à faire du SMTP authentifié. Cette
technique consiste à attribuer un mot de passe ou un certificat numérique à
chaque client, qui doit alors présenter cette preuve d'identité à chaque
fois qu'il se connecte au serveur SMTP du FAI. Si cette solution est
attrayante techniquement, il faut avouer qu'elle est difficile à mettre en
oeuvre commercialement, puisque tous les MUA ne la supportent pas, et
qu'elle complique notablement la vie des clients du FAI.
- Interdire à ses clients d'utiliser leurs propres serveurs SMTP
accessibles depuis l'extérieur. Le FAI fournit un certain nombre de boites
à lettres à ses clients, accessibles par IMAP ou POP3, et fournit un
service de relais SMTP à tous ces clients. Le FAI interdit tout trafic SMTP
entrant depuis Internet vers la machine d'un client. Ce type de
configuration est adaptée à une majorité de clients de FAI, qui n'ont pas
de besoin particulier qui les obligerait à installer leur propre serveur
SMTP. Il n'interdit pas aux clients d'utiliser un serveur SMTP uniquement
local (par exemple pour faire tourner fetchmail en mode MTA). Cependant, il
n'est pas adapté à tous les usagers, donc les FAI sont peu nombreux à
appliquer cette contrainte à leurs utilisateurs. Critique possible: filtrer
tout le trafic SMTP entrant c'est fasciste.
- Faire des vérifications pro-actives de la configuration des machines de
ses clients. Cela consistera à se connecter au port SMTP de chacun de ses
clients depuis une machine extérieure à son réseau, et de tenter d'envoyer
un message à une destinataire tierce. Si ce message parvient à son
destinataire, c'est que la machine du client est configurée en relais SMTP
ouvert, et le FAI doit intervenir pour régler le problème. Cette solution a
été adoptée par certains FAI dans d'autres pays (il existe alors dans le
contrat de service entre le client et le fournisseur d'accès une clause
précisant que ce genre de vérification est employé par le FAI), mais est
sensible politiquement, puisque le fait de vérifier le fonctionnement des
machines de ses clients peut être assimilé à une tentative d'intrusion sur
la machine, et est mal perçue par certains clients. Critique: vérifier
régulièrement la configuration des machines des clients est BigBrother.
- La solution que nous préconisons, qui est intermédiaire entre les deux
précédentes, et qui permet à notre avis d'éviter leurs inconvénients. Dans
cette solution, le FAI offre à ses clients deux choix au niveau de
l'utilisation de la messagerie:
- Premier mode (par défaut): réception email par le serveur SMTP du
fournisseur d'accès, service IMAP/POP3 pour récupérer son email, leur
serveur SMTP sortant accepte de relayer les messages depuis cet adresse
IP. Mais filtrage du trafic SMTP entrant vers cet adresse IP
(puisqu'il ne peut s'agir que de tentatives d'abus avec cette
configuration).
- Deuxième mode (pour les utilisateurs avertis qui souhaitent utiliser
leur propre serveur SMTP): trafic SMTP libre dans les deux sens pour
cet adresse IP. Le client peut faire MX pour son propre domaine
lui-même, ou utiliser le service de boite-à-lettres IMAP/POP3 pour
récupérer son email. Mais le smarthost du FAI refuse de relayer les
messages depuis cet adresse IP (pour ne pas se rendre complice de
relayage multihop en cas de relais SMTP ouvert chez le client). Si le
client est relais SMTP ouvert, seul son adresse IP sera blacklistée.
Le FAI donne au client la possibilité de basculer à tout moment entre
ces deux modes. Il existe un précédent à l'idée de devoir faire une demande
à son FAI pour obtenir un service particulier; chez nombre de FAI par
exemple, il est nécessaire de faire une demande explicite avant de pouvoir
bénéficier de la possibilité d'avoir son espace ouèbe personnel. Nous
estimons donc que cette solution serait bien accueillie par les clients, à
conditions qu'elle soit expliquée et motivée.
Merci de nous signaler toute solution technique qui nous aurait
échappé, en particulier si vous êtes un FAI qui la mettez effectivement en
pratique (cf adresse de contact en bas de page).
Charte anti-pollupostage
Nous proposons à tous les FAI la signature d'une charte
anti-pollupostage certifiant qu'ils adhèrent à la lutte contre les
pourriels et qu'ils mettent en place des mesures efficaces pour cela.
Davantage de détails ultérieurement.
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