(Courriels de diversion: <postulats@agissons-cauterisaient.com> <manoeuvrier@agglutinez-hallucinante.com> <lendemain@desheritees-execreraient.com> <obstruees@simplifiez-mulâtre.com> <penetrez@plafonnee-babas.com> <troublait@ecologique-grimages.com> <salis@rentreras-denombrerons.com> <grassouillets@âpretes-reconvertis.com> <prud'hommes@rênes-colosse.com> <bosse@verbaliseras-recourberait.com> )
-----BEGIN PGP SIGNED MESSAGE----- Hash: SHA1 - --------- Début du message transmis ----------- Date: Wed, 4 Dec 2002 02:41:37 +0100 From: Loic Dachary <loic@gnu.org>To: april@april.orgSubject: [APRIL] Quand la technique se substitue à la loi (take 2) Dernière version pour ce soir, j'intégrerais les commentaires des insomniaques demain. Merci de votre l'aide. Dodo maintenant. - -- Quand la technique se substitue à la loi Le DMCA (Digital Millenium Copyright Act) défraie la chronique aux états unis depuis deux ans: il interdit des programmes lisant les DVD, condamnant l'auteur d'un logiciel qui permet de lire un livre électronique, fait fermer un serveur de jeux sur internet et musèle les experts en sécurité informatique. Quels délits avaient été commis pour encourir de telles sanction ? Aucun et c'est bien la racine du problème. Il n'a même pas été prouvé qu'elles avaient l'intention de nuire. La version française du DMCA arrive[1], discrètement discuté depuis un an par le CSPLA[2] (Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique) dont le BSA (Business Software Alliance) fait partie. Loin d'être plus modéré que le DMCA, le projet de loi qui sera discuté à huis clos jeudi 5 décembre 2002 propose même d'autoriser des associations telles que le BSA à se substituer purement et simplement aux auteurs, leur permettant donc de faire condamner des personnes n'ayant commis aucun délit selon la loi que nous connaissons. Le DMCA, comme la directive européenne (2001/29/CE ou EUCD) dont est issue le projet de loi[1], a pour intention déclarée de réprimer la contrefaçon. Afin d'y parvenir le législateur commet l'impardonnable erreur, tant du point de vue du droit que d'un point de vue humaniste, de remplacer la loi par la technique. Actuellement, copier un logiciel alors que l'auteur l'interdit est un délit aux yeux de la loi qui définit ainsi exhaustivement les droits auquel l'auteur peut prétendre. Si le projet de loi est approuvé, n'importe quel procédé baptisé "contrôle d'utilisation" (article 14) décidera de ce que vous avez le droit de faire ou non, à la discrétion de l'auteur. La toute puissance légale de ce procédé (il peut s'agir d'un appareil aussi bien que d'un logiciel) est stupéfiante: peut être condamnée toute personne qui en parle ou qui le contourne, sans même qu'il soit nécessaire de démontrer que cette personne ait eu l'intention de commettre un délit. Les exemples que nous a fourni le DMCA par le passé sont éclairants et montrent jusqu'à quels extrêmes la substitution de la loi par la technique nous mènera en France. Il ne s'agit pas de spéculation mais d'observation des faits. Un serveur de jeux vidéo sur internet, entièrement issu des efforts originaux d'une équipe de développeurs, s'est vu interdire par la justice américaine. En effet, le serveur ne contenait pas les mêmes procédés de "contrôle d'utilisation" que son concurrent, tout en étant compatible avec lui. Cette absence de procédé a été sanctionnée et qualifiée de contournement d'un procédé existant, en raison de la compatibilité des deux serveurs. Ce cas peut se décliner sur l'intégralité des services en ligne, annulant de fait toutes les dispositions légales relatives à l'interopérabilité entre programmes. Le cas le plus célèbre qui a fait connaître le DMCA du public est l'interdiction du programme DECSS. Ce minuscule programme permet de lire le contenu d'un DVD. Supposons l'oeuvre inscrite sur le DVD acquise légalement. La personne en possession de la copie dispose ainsi du droit de la visionner chez elle, il lui manque juste le logiciel pour le faire. Développeuse talentueuse, elle écrit le programme nécessaire, regarde le film et contrevient ainsi à la loi. Ce développeur existe, il s'appelle Jon Johansen et il a été condamné. Ce cas peut se décliner sur tous les moyens possibles permettant de faire obstacle à la jouissance paisible d'une oeuvre acquise licitement. La simple existence d'un "contrôle d'utilisation" fait de nous des présumés coupables. L'absurdité touche à son comble lorsqu'on réalise qu'il devient illégal de parler en public de failles de sécurité dans les systèmes informatiques. A l'heure où le monde plie sous le fléau des virus et où les experts reconnaissent unanimement que la transparence est une condition sine qua non pour sécuriser les systèmes, parler en public d'un problème de sécurité devient un délit. Alan Cox qui vit en Angleterre et dont le nom est familier à tous les développeurs de Linux, se verrait ainsi interdire de signaler un problème de sécurité ou même de le corriger car une telle correction donnerait une information sur le problème et serait donc un délit. On constate donc qu'un procédé intitulé arbitrairement de "contrôle d'utilisation" permet à la personne qui le diffuse d'exercer un pouvoir sans précédent, qui déborde de beaucoup la repression de la contrefaçon. Comment les rédacteurs du projet de loi ont-ils s'aveugler à ce point ? Aucun d'entre eux ne suggérerait pourtant de résoudre le problème de la délinquance et de l'insécurité en emprisonnant toute la population. C'est pourtant ce qu'ils proposent de faire, à l'échelle des droits d'auteur. Il ne se trouvera personne pour nier que leurs efforts seront couronnés de succès : la contrefaçon disparaîtra en effet. Il reste cependant deux questions d'importance : que devient l'intérêt général sur lequel insiste la directive (considérant 3, 14) et qui détient les clés de la geôle ? Nous croyons parfois que les lois sont immuables et justes, conçues et écrites par des êtres probes aux motifs nobles. Mais il faut se rendre à l'évidence, ce projet de loi nous rappelle durement à la réalité qui fait parfois modifier les lois pour le profit de quelques uns. La directive européenne peut être accusée de développer un biais en faveur des éditeurs et des majors mais elle s'abrite habilement derrière des statistiques douteuses de contrefaçon et progresse sans qu'une opposition efficace ne se forme. La maladresse stratégique des rédacteurs du projet de loi français leur a fait quitter cette relative réserve et dévoiler leurs véritables ambitions. L'article 27 du projet de loi autorise les organismes de défense professionnels à se substituer aux auteurs (ce que l'on appelle la présomption de titularité). Par exemple le BSA serait habilité à agir au nom d'un auteur de logiciel, comme s'il en était lui même l'auteur, sans même qu'il lui soit nécessaire de le consulter. Le BSA pourrait aussi perquisitionner dans les entreprises. Voici donc révélés les vrais bénéficiaires: le doute qui planait a été levé par l'ajout inopportun de ces articles qui ne correspondent à rien dans la directive européenne. Les rédacteurs du projet de loi ont péché par excès de confiance, dévoilés leurs intentions et motivé ainsi une résistance d'un tout autre ordre. Le tableau n'est pas si sombre qu'il y paraît car il n'est pas trop tard. Sans déroger à la directive, qui doit être transcrite en droit national dans chaque pays d'Europe d'ici le 22 décembre 2002, il est possible d'en corriger les effets de la plus simple façon. En conditionnant toutes les mesures prises à la nécessité d'apporter la preuve d'une intention de nuire, on réintroduit l'intérêt général au sein du projet de loi. Tout un chacun est invité, et en particulier les juristes, à se faire l'écho de cette requête. Qu'il nous soit possible, maintenant et toujours, de lire notre livre électronique avec n'importe quel logiciel, de colmater les problèmes de sécurité si nous en sommes capables, de concevoir des programmes coopérant ensemble. Que la loi nous punisse lorsque la preuve de notre délit est apportée et non lorsqu'un procédé technique en décide. Le CSPLA délibère le 5 décembre 2002, si de nombreuses voix s'élèvent ils pourront se rappeler enfin de l'intérêt général. [1] http://www.planetelibre.org/main.php?type=news [2] http://www.culture.fr/culture/cspla/conseil.htm - -- Loic Dachary http://www.dachary.org/ loic@dachary.org12 bd Magenta http://www.senga.org/ loic@senga.org75010 Paris T: 33 1 42 45 07 97 loic@gnu.org GPG Public Key: http://www.dachary.org/loic/gpg.txt - -- Là où l'on brûle des livres, on finira par brûler des hommes. -- Heinrich Heine ( 1797-1856 ) -----BEGIN PGP SIGNATURE----- Version: GnuPG v1.0.7 (GNU/Linux) iD8DBQE97bHNYJwqltj/jHgRArqoAJ4yRXOQjhnqv5wvND4Uiob1OfxisQCgp+jC kgtnaTj24eRV7ePUUeaFSfM= =vlFe -----END PGP SIGNATURE-----
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