(Courriels de diversion: <detenions@croissent-coordonnatrice.com> <completerais@paraîtrions-refondues.com> <chavirais@assentiments-decryptages.com> <stipulees@illicite-jalonneraient.com> <mercuriales@flippers-deroute.com> <relayer@degazant-repus.com> <calibrent@grossissent-irrite.com> <urgences@grâce-favoriserait.com> <debarquerent@colmatera-entr'aperceviez.com> <encastrera@libres-sillonnaient.com> )


Quelques annecdotes d'un Administrateur Reseau:
IS (Ingenieur Systeme)

Lorsqu'on me demande quel est mon métier il m'arrive
de plus en plus souvent de
répondre "je suis dans l'informatique". Cette vague
formulation a au moins le mérite de
m'éviter la lueur de haine méprisante qui apparaît
instantanément dans l’œil de
l'interlocuteur le mieux disposé au simple énoncé de
mes coupables occupations. Je
suis lâche. La prochaine fois je répondrai tueur à
gages, le relâchement des mœurs
étant ce qu'il est, cela devrait moins choquer. 

C'est un métier gratifiant à bien des points de vue,
c'est vraisemblablement le seul où
le néophyte total, celui qui vient d'ouvrir son
premier carton d'ordinateur se sent en
mesure de vous expliquer votre métier dans le quart
d'heure qui suit le montage de sa
bécane. 

A ma connaissance conduire une voiture ne transforme
personne en mécanicien, pas
plus que raboter une porte ne fait de vous un
ébéniste, mais taper sur un clavier fait de
tout un chacun un informaticien. On n'arrête pas le
progrès. N'allez surtout pas croire
que je veux garder pour moi les clés du savoir et en
tenir éloigné le vulgum. Que je
regrette le temps ou les ingénieurs système détenaient
le pouvoir abrités derrière leurs
incantations absconses. 

Nenni. Bien au contraire, étant d'un naturel assez
paresseux, pour ne pas dire d'une
fainéantise crasse, je préfère de très loin un
utilisateur qui se débrouille sans moi. Mais
je reste persuadé qu'informaticien c'est aussi un
métier. 

Par contre je regrette - parfois - le temps où le
métier consistait à surveiller un Vax,
ceux qui ont connu cela savent à quel point c'était
reposant, ou alors à rebooter une
station Unix tous les trente six du mois pour
justifier son existence. Avec l'arrivée des
PC et surtout de Windows nous sommes entrés de
plain-pied dans ce que l'on pourrait
appeler l'ère du Chapelier Fou, c'est à dire
l'irruption de l'irrationnel dans ce qu'il a de
plus poétique et de moins maîtrisable au beau milieu
d'un monde jusque là bien tenu.
En vertu d'un darwinisme élémentaire il a bien fallu
s'adapter. Aujourd'hui être IS dans
le monde merveilleux de Petit mou, c'est être un
hybride monstrueux, un mélange aussi
subtil qu'indéfinissable de Chaman, de Ménie Grégoire,
de Dédé la Bricole, de
Bobologue, de charlatan et de psychopathe. Je ne
remercierai jamais assez Bill Gates
pour avoir transformé un métier relativement terne et
basé sur une approche bêtement
technique et rigoureuse des faits, en challenge
quotidien, nécessitant une remise en
question permanente à l'échelle du quart d'heure. 

Quoi de plus stimulant sinon de savoir que résoudre un
problème ne viendra en aucune
façon enrichir ce qu'il est convenu d'appeler
l'expérience, puisque le même problème
nécessitera lorsqu'il se posera à nouveau une solution
radicalement différente. On
évite ainsi la sclérose intellectuelle consécutive aux
automatismes. Résoudre un
problème nécessite une imagination à coté de laquelle
le récit d'un trip sous
champignons hallucinogènes pourrait passer pour le
compte-rendu de l'assemblée
générale des actionnaires de la Société Nouvelle des
Aciéries Mouchabeuf. Le
cartésianisme n'est pas un atout mais un grave
handicap vous empêchant d'aborder
les hypothèses les plus farfelues. Et il faut bien
cela quand après avoir éliminé les
causes raisonnables de dysfonctionnement vous êtes
amené à envisager le reste, qui
se situe généralement tout de suite entre les
histoires de petit lutin et la quatrième
dimension. La seule chose que je me refuse encore à
pratiquer c'est l'imposition des
mains et le voyage à Lourdes, plus par réaction de
mécréant que par doute quant à
l'efficacité des méthodes en question. Je sens qu'avec
l'arrivée de Windows ME,2000 il va
me falloir opérer une révision déchirante quant à mes
convictions profondes. Quand je
pense que certains recherchent les paradis
artificiels, et que l'on me paye pour être en
état perpétuel d'hallucination. La vie est bien
injuste, allez. Tout cela serait finalement
bien monotone s'il n'y avait l'utilisateur, car il
existe l'utilisateur, c'est vous et moi.
Victime d'une intoxication à l'échelle planétaire,
d'un gigantesque et collectif lavage de
cerveau, il s'imagine qu'il va pouvoir tirer quelque
chose de sa bécane, être productif,
voire même dans les cas les plus graves envisager un
retour sur investissement.
Aujourd'hui l'utilisateur perverti par des slogans
pernicieux du style "Jusqu'où irez
vous?" exige que ça marche, et c'est bien là où tout
se gâte, le décalage entre cette
légitime attente et ce que l'illuminé de Redmond est
capable d'apporter me déprime.
"Jusqu'où irez vous ?", jusqu'à l'asile le plus proche
sans doute. 

Comment voulez-vous qu'un truc qui est à un système
d'exploitation ce que Mireille
Mathieu est à Edith Piaf, ce bricolage improbable
écrit avec les pieds par une nuée de
pervers schizoïdes puisse fonctionner? Le mensonge le
plus grossier colporté par les
sectateurs microsoftiens est celui selon lequel un PC
convenablement équipé de
l'inénarrable Windows et du fourbi Office dont j'ai
oublié le millésime car il change en
permanence, fonctionnerait seul et sans assistance. Le
récit d'une journée ordinaire au
royaume du Chapelier Fou contredit quelque peu cette
idyllique vision du meilleur des
mondes possible. Ce doit être une question de numéro
de version, sans doute. 

Mardi 8 heures: 

Le calme avant la tempête, je peux l'esprit en repos
me consacrer à un projet qui me
tient à cœur; meuler une calculette quatre opérations
sur un Vax de la série 8000. Je
tenterai l'inverse dès que j'aurai mené à bien cette
partie. 

Mardi 9 heures : 

Un premier coup de téléphone laconique, "Tu peux venir
jeter un coup d’œil, mon PC
est bloqué", sous cette apparence anodine peut se
dissimuler le cauchemar le plus
absolu, les raisons qui peuvent amener un PC à se
bloquer sont légions, la première
étant d'appuyer sur le bouton marche. Je suis d'autant
plus inquiet que mon client est
un dingue de la vitesse. C'est un peu l'équivalent du
chauffard, il parle de bus AGP là
où les autres parlent de carburateur double corps,
mais la démarche est la même, aller
le plus vite possible en semant la terreur sur son
passage. Profitant d'un instant
d'égarement de son chef de service il a réussi à se
faire payer le dernier Pentium à
800 Mhz, ce qui lui permet de gagner cinq secondes sur
la mise en page de sa feuille
de calcul. C'est comme on le voit une avancée
considérable à la mesure de
l'investissement consenti. Je le trouve un peu déprimé
car on annonce déjà le Pentium
à 1 Ghz où plus et il contemple avec amertume ce
qu'il considère déjà comme
l'équivalent d'une caisse à savon. J'essaye de le
réconforter en lui disant qu'avec la
bête qu'il possède il devrait éviter d'ouvrir deux
fenêtres en même temps pour ne pas
faire de courants d'air. Une boutade bien innocente,
c'est le coté Ménie Grégoire de la
profession, mais je sens bien qu'il n'y croit pas. Les
grandes douleurs sont souvent au
delà des mots. 

Mais revenons à nos moutons, PC bloqué. Effectivement
passé le démarrage tout ce
que nous obtenons c'est un sablier désespérément figé,
je suis tenté de répondre que
c'est parfait pour faire des oeufs à la coque mais
quelque chose dans son air égaré
me dit que je ferais aussi bien de me taire. C'est
alors que j'envisage du coin de l’œil
un CD-ROM offert par PC truc "Mesurez les performances
de votre PC", eh oui ça ne
sert à rien d'aller vite encore faut-il pouvoir
l'exprimer en Business Graphics, WinMark
98, High End Disk WinMark 98 et autres CPUMark32,
c'est requis pour humilier à
l'heure du café les ploucs avec leurs Pentium 133. Je
lui demande si par le plus grand
des hasards il n'aurait pas monté ce truc là sur sa
machine, je connais la réponse. Il est
d'ailleurs mentionné en tout petit sur le CD que
l'installation de cette suite de tests
devrait être effectuée sur une machine quasi vierge et
pas sur un système
normalement opérationnel, "cela pouvant provoquer des
dysfonctionnements". Des
"dysfonctionnements", tu l'as dit bouffi. Diagnostic:
je t'envoie quelqu'un pour te
remettre un système d'équerre celui-ci étant parti en
villégiature à la campagne, pour
une durée indéterminée. Rendez-vous est pris pour la
parution du prochain CD de
tests de PC machin. Au suivant. 

Mardi 10 heures :

Juste le temps de constater le plantage d'un serveur
NT. Quelqu'un a
vraisemblablement éternué devant, c'est très sensible
comme système. Bon, reset,
redémarrage, la routine quoi. Deuxième coup de
téléphone "Tu n'aurais pas cinq
minutes des fois, il se passe parfois des choses
curieuses sur ma machine".
Connaissant mon correspondant la seule chose curieuse
dans tout cela c'est le
parfois, il est stupéfiant que ce ne soit pas
toujours. C'est qu'il s'agit de la variété dite
de "l'esthète taquin", épouvanté par l'uniformité il a
installé sur sa machine tous les
thèmes possibles, le pointeur de souris est un
calamar, le sablier une horloge
Comtoise, l'économiseur d'écran qui se déclenche
toutes les minutes est un jeu de
baston intergalactique avec force sifflements et
explosions. Car il a bien évidemment
une carte son. C'est indispensable pour reproduire le
rire de Johnny Hallyday selon les
Guignols de l'info, rire qui accompagne les messages
d'avertissement. Tout cela est
un peu perturbant. Ayant de surcroît accès a
l'Internet il a récupère et installé tous les
sharewares possibles, il n'y a plus aucune pièce
d'origine sur sa machine, il a tout
remplacé et il est seul à pouvoir s'en servir. Il est
assez surprenant qu'il ne soit obligé
de rebooter sa machine qu'une fois par heure. Je suis
peut-être injuste envers
PetitMou. A l'intérieur de tout grand logiciel il en
existe plusieurs petits qui ne
demandent qu'à sortir, là c'est la grande évasion, il
suffit de coller l'oreille contre le
boîtier pour les entendre se carapater. Tout ce joli
monde doit se battre en
permanence pour prendre le contrôle du système. 

C'est un cas désespère. Je m'en sort lâchement en lui
disant d'aller récupérer sur
www.crap.com la dernière version de son
anti-virus/gestionnaire de
fichiers/explorateur/compacteur/logiciel de
sauvegarde/éditeur de textes/navigateur
internet, et me tire vite fait sans toucher à la
souris de peur de déclencher un
Tchernobyl dans sa machine. Au suivant. 


Mardi 11 heures :

De retour dans mon bureau je constate le plantage d'un
autre serveur NT, par solidarité
avec le premier sans doute. L'instinct grégaire ou le
début d'un mouvement de
revendications. A surveiller. Autre coup de téléphone,
en provenance d'une espèce
bien particulière, la variété qui se shoote à la
presse informatique, on ne dira jamais
assez les ravages que cela peut provoquer. Stratège
planétaire, il m'explique comment
l'introduction de Java dans les entreprises va
révolutionner la façon dont nous
envisageons l'informatique. Comment Sun va bouffer
Microsoft à condition qu'Oracle
s'allie avec Apple et que Compaq ne vienne pas jouer
les trouble-fête. Il me prédit la
mort prochaine d'Intel victime de ses challengers, et
écrasé sous son gigantisme. Au
bout d'un moment, atterré par toutes ces apocalypses à
venir, je ne sais plus très bien
où j'habite et c'est légèrement comateux que je
raccroche en espérant ardemment que
tout cela voudra bien patienter jusqu'a ma retraite. 

Mardi 13 heures : 

Coup de téléphone angoissé en provenance d'une
secrétaire, "Quand je lance mon
Word avec un document que j'ai tapé hier, j'ai le
message suivant: cette application va
s'arrêter car elle a effectué une opération non
conforme", je suis tenté de lui répondre
qu'il s'agit là d'un fonctionnement normal de
l'application, mais je m'abstiens. Son
désarroi est sincère et la perte de plusieurs heures
de travail ne porte pas à rire. Bon
en route vers de nouvelles aventures. Cette charmante
personne, au demeurant,
appartient à la catégorie de ceux qui considèrent
l'introduction de l'informatique dans
leur quotidien comme une calamité. L'espèce de truc
ronronnant qu'on lui a posé sur
son bureau est pour elle, visiblement habité par un
esprit hostile et rebelle à toute
collaboration avec le genre humain. Elle a bien essayé
de l'apprivoiser en le
banalisant, en installant un pot de fleurs sur le
boîtier et la photo de ses gosses sur
l'écran, mais rien n'y fait, habité d'une vie propre
il s'ingénie a lui pourrir l'existence. Elle
serait-je crois soulagée, si je suspendais des gousses
d'ail et des crucifix au plafond et
aspergeait sa machine d'eau bénite, c'est le coté
charmant de la profession. A la
vingtième tentative je réussis à charger son document
sans déclencher l'infamant
message de vacances pour cause de non-conformité des
opérations effectuées par
l'application, il s'agissait d'un tableau coupé par un
saut de section, quelque chose de
tellement grave selon Microsoft que cela méritait un
plantage radical. Peut-être qu'une
destruction totale de la machine aurait été plus
appropriée, je les trouve un peu laxistes
ces temps ci. Problème corrigé. 

Au suivant. 

Mardi 15 heures. 

De suivant il n'y en eût point ce jour là, je
terminais ma journée tranquillement entre deux
reboot de serveur NT, et mes travaux sur la
reconversion d'un Vax en calculette. J'en
étais à la soustraction, je ne désespérais pas
d'arriver à la division à l'horizon 2005.
J'aurai certainement besoin de 512 mégas de mémoire
vive supplémentaire pour
l'implémenter, c'est le directeur financier qui va
encore râler. C'est une certitude
demain amènera son nouveau lot de victimes. Si tous
ces gens savaient qu'au fond je
ne maîtrise guère plus qu'eux tout cela, que le métier
est de bien peu de secours
quand Word ou Excel ou que-sais-je se bauge
lamentablement, que le temps où une
entreprise vivait sur des applications maison est
définitivement révolu. Bah je fais
comme si je dominais, c'est ce qu'ils attendent de
moi, c'est le coté charlatan du
métier. Et puis ils ont au moins quelqu'un d'identifié
à engueuler. 

Quant à moi je m'endors tous les soirs en rêvant aux
tortures que je ferais subir à Bill
Gates s'il venait à me tomber sous la main. C'est le
coté psychopathe du métier


---------------------------------------------------------------------
Aide sur la liste: <URL:mailto:linux-31-help@savage.iut-blagnac.fr>Le CULTe sur le web: <URL:http://www.CULTe.org/>